LES SCOLIOSES DE L'ENFANT
Une scoliose est une déviation permanente de la colonne (rachis) avec rotation vertébrale.
Le déplacement de la maladie scoliotique est progressif est se fait dans les 3 plans de l’espace :
le plan frontal (appelé aussi coronal) : déplacement en inflexion latérale
le plan sagittal : déplacement en flexion et extension
le plan horizontal (appelé aussi axial) : déplacement en rotation
L'équilibre normal de la colonne vertébrale
Dans le plan frontal (appelé aussi coronal), la colonne vertébrale (rachis) est parfaitement rectiligne sur un bassin bien équilibré.
Aspect normal de la colonne vertébrale, dans le plan frontal (vue de face). |
Dans le plan sagittal (vue de profil), plusieurs courbures se suivent :
La courbure de la colonne cervicale qui est une lordose (la colonne cervicale, qui compte 7 vertèbres, est concave vers l'arrière).
La courbure de la colonne dorsale (on peut dire dorsale ou thoracique) qui est une cyphose (la colonne dorsale, qui compte 12 vertèbres, est convexe vers l'arrière).
Elle est normalement de 37° entre la 4ème
vertèbre thoracique (T4) et la 12ème vertèbre thoracique
(T12), avec des extrêmes de 18° à 54°.
Si la cyphose est trop importante, l'enfant est penché vers l'avant
et on parle d'hypercyphose. Si la cyphose n'est pas assez importante,
l'enfant a alors un dos plat.
La courbure de la colonne lombaire qui est une lordose (la colonne lombaire compte 5 vertèbres).
Elle est normalement de 45° entre la 1ère vertèbre lombaire (L1) et la 1ère vertèbre sacrée (S1), avec des extrêmes de 25° à 65°.
Aspect normal de la colonne vertébrale, dans le plan sagittal (vue de profil). |
Comment faire un diagnostic de scoliose idiopathique ?
Un diagnostic de scoliose ne peut se faire qu'après un examen clinique minutieux, sur un enfant déshabillé (en slip ou culotte), sans chaussure ni chaussette.
Examen clinique de base
Il est obligatoire de mesurer le poids,
la taille debout et la taille
en position assise.
L'examen clinique doit aussi noter s'il existe une asymétrie
faciale, si l'enfant a des lunettes,
s'il existe une asymétrie de la paroi thoracique
(thorax en carène, en entonnoir), quel est le morphotype
des membres inférieurs (genu valgum, varum), la qualité
des appuis au sol (pieds plats, creux).
Il faut rechercher un syndrome dysmorphique (maladie plus globale pouvant intégrer la scoliose dans ses signes).
Examen de la colonne vertébrale
Mesure de la ligne de gravité :
La verticale abaissée depuis l'oreille (le tragus) doit passer en avant du grand trochanter (relief externe palpable de la hanche).
Etude du centre de gravité au fil à plomb, à partir du tragus de l'oreille. |
Mesure de l'équilibre de profil (équilibre sagittal) :
Le fil à plomb permet aussi de mesurer les courbures
naturelles (lordoses, cyphose) en mesurant l'écart entre la verticale
et les reliefs osseux de C7, T8, L3 et S2, qui sont respectivement de
4 cm, 0 cm, 4 cm et 0 cm.
Etude de l'équilibre de profil par rapport à la
verticale du fil à plomb. |
Mesure de l'équilibre de face (équilibre frontal) :
Là encore, l'examen se fait au fil à plomb (qui donne la verticale, et par perpendicularité l'horizontale).
Il apprécie l'horizontalité des épaules, l'horizontalité du bassin (par repérage des reliefs arrières du bassin appelés les épines iliaques postérieures, ou alors les cornes du sacrum).
il apprécie la verticalité de l'occiput par rapport au pli interfessier.
Etude de l'équilibre de dos (plan frontal) par rapport
à la verticale du fil à plomb. |
Mesure de l'équilibre debout et en position dynamique :
L'examen clinique s'attache ensuite à rechercher un déséquilibre de la colonne lorsque l'enfant se penche en avant (antépulsion du tronc).
Ce déséquilibre qui porte le nom de gibbosité traduit une rotation des vertèbres autour de l'axe verticale de la colonne et signe l'existence d'une scoliose vraie (scoliose structurale).
Etude dynamique en faisant pencher l'enfant en avant (genoux
tendus). |
Il faut s'attacher à compter le nombre de gibbosité, leur hauteur, localisation et étendue pour pouvoir en surveiller l'évolution dans le temps.
Appréciation de la localisation et de la hauteur de la gibbosité. |
Examens neurologique et cutané
Il font partie
intégrante de l'examen de la colonne vertébrale.
Examen des réflexes ostéo-tendineux, des reflexes cutanés
abdominaux, et des réflexes cutanés plantaires.
Examen de la force musculaire et de la sensibilité.
Recherche de taches cutanées dites café-au-lait pouvant évoquer une neurofirbomatose.
Appréciation des reflexes ostéotendineux rotuliens lors de l'examen neurologique. |
Présence de taches cutanées café-au-lait
disséminées sur le corps. |
Appréciation de la texture cutanée. |
Examen pubertaire
Il est fondamental dans l'examen de la colonne.
Il doit apprécier selon la classification de Tanner:
Le développement des seins
Le développement des organes génitaux
Le développement de la pilosité pubienne
Chez la fille, il est capital de savoir si et depuis quand les premières règles (appelées aussi ménarches) sont apparues.
Le début de la puberté se manifeste par l’apparition des premiers poils pubiens (P2) et par le gonflement du mamelon chez la fille (S2) et l’augmentation de volume testiculaire chez le garçon.
Les règles apparaissent
environ 2 ans après le début de la puberté,
aux environ de Risser 1 (Voir plus loin le chapitre consacré
à la radiographie), habituellement quelques mois avant, donc
après le pic de croissance, en moyenne vers 13 ans.
Lorsque les règles surviennent l’enfant est entré
dans la phase de défervescence pubertaire.
La défervescence pubertaire est marquée
par l’apparition d’une pilosité axillaire (A2).
L’apparition de la barbe est contemporaine de la fin de la puberté.
Appréciation de la maturation pubertaire selon les stades de Tanner. |
Typage de la scoliose en fonction de l'âge
En fonction de l'âge de survenue de la scoliose, on distingue :
Les scolioses du nourrison : de 3 à 6 mois
Les scolioses infantiles : avant l'âge de 3 ans
Les scolioses juvéniles de type I, II ou III :
type I : entre 3 et 7 ans
type II : entre 8 et 10 ans
type III : entre 11 ans et la puberté
Les scolioses de l'adolescent : entre la puberté et la maturation osseuse.
Quels sont les diagnostics différentiels d'une scoliose idiopathique ?
La scoliose idiopathique est un diagnostic d'élimination : l'examen clinique et les examen complémentaires (radiographies, scanner, imagerie par résonance magnétique) servent à éliminer les autres causes, appelées attitudes scoliotiques et scolioses secondaires :
Les attitudes scoliotiques
L'examen clinique retrouve également un déséquilibre de la colonne mais ce déséquilibre peut se corriger si l'on en corrige la cause.
Sur cet exemple, la courbure de la colonne (à gauche) a totalement disparu après ré-équilibrage du bassin (à droite) : il s'agit d'une attitude scoliotique par inégalité de longueur des membres inférieurs. |
Attitudes scoliotiques liées à la partie haute du corps :
Les troubles visuels
Le torticolis congénital (Voir le chapitre sur ce site : Torticolis congénital)
Déséquilibre de poids des membres supérieurs
Attitudes scoliotiques liées à
la partie moyenne du corps :
Spondylarthrite ankylosante
Tumeurs
Paralysies
Sciatiques
Asymétrie de la charnière lombo-sacrée
Dystonies d'attitude (enfants "voûtés")
Attitudes scoliotiques liées à la partie moyenne du corps :
Bassin oblique congénital
Inégalité de longueur des membres inférieurs (diagnostic différentiel le plus fréquent).
Les scolioses secondaires à une maladie neurologique
Exemple de la poliomyélite antérieure aiguë.
Photographie en noir en blanc d'un enfant présentant des séquelles de poliomyélite avec une importante scoliose neurologique. |
Les scolioses secondaires à une malformation médullaire
Exemple : une syringomyélie peut parfaitement provoquer une scoliose.
I.R.M. de scoliose thoracique mettant en évidence une cavité liquidienne dans la moelle correspondant à une syringomyelie (limites en vert sur l'image de droite). |
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Les scolioses secondaires à une maladie musculaire
Exemple : les myopathies provoquent des scolioses très importantes.
Les scolioses secondaires à une maladie du tissu conjonctif
Exemple : le syndrome de Marfan. Maladie héréditaire
du tissu conjonctif, elle associe des anomalies morphologiques squelettiques,
oculaires, neurologiques et cardiovasculaires.
Patients de grande taille, avec (entre autre) un allongement des membres
supérieurs et inférieurs, une allongement des doigts en
patte d'araignée (arachnodactylie), un visage étroit,
un palais ogival avec chevauchement des dents, une hyperlaxité
articulaire, des pieds plats, une scoliose supérieure à
20° en général.
Aspect clinique d'un jeune patient présentant un syndrome de Marfan. |
Les scolioses secondaires à une (ou des ) malformation(s) osseuse(s) (vertèbres et/ou côtes)
Radiographie de scoliose lombaire mettant en évidence une malformation type "mosaïque vertébrale". |
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Radiographie de scoliose thoracique mettant en évidence
une malformation type barre costale étagée dans
la concavité de la courbure scoliotique (surlignée
en vert sur l'image de droite). |
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Le bilan radiographique
Il passe par une radiographie de la totalité
de la colonne, en position debout, de face et de profil.
La radiographie permet de rechercher une éventuelle scoliose
secondaire (malformation osseuse vertébrale, et/ou costale),
tumeurs osseuses, infections osseuses.
La radiographie permet de "chiffrer" la scoliose (mesure de l'angle de scoliose).
Mesure de l'angle de Cobb
L'angle de Cobb représente
l'angle entre le plateau supérieure de la vertèbre
limite supérieure (celle qui penche le plus dans la partie haute
de la scoliose) et le plateau inférieure de la vertèbre
limite inférieure (celle qui penche le plus dans la partie basse
de la scoliose).
Cet angle permet de surveiller l'évolution de la scoliose dans le temps, a un caratère pronostique, et reste le fil conducteur du traitement.
Mesure radiographique de l'importance de la scoliose par l'angle
de Cobb. |
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La radiographie permet aussi de repérer les vertèbres sommets (horizontales), ce qui guidera pour le choix du corset si un traitement est nécessaire. |
Mesure de la rotation vertébrale
L'appréciation de la rotation vertébrale sur une radiographie de face se fait par la méthode de Nash et Moe .
Le corps vertébral étant divisé
en 6 secteurs verticaux, la projection du pédicule sur la vertèbre
sommet du côté de la convexité dans l’un des
secteurs permet d’apprécier l’importance de la rotation
suivant le niveau du rachis examiné.
Suivant la zone où se projette le pédicule, on classe
la rotation en croix (on peut s’aider de la disparition progressive
du pédicule de l’autre côté).
Mesure de la rotation vertébrale. |
Le tableau donne la correspondance entre les croix et les valeurs de la rotation en degrés, suivant le niveau du rachis intéressé.
Mesure de la rotation vertébrale. |
Appréciation de la maturation osseuse
Le bilan radiologique de la colonne de face donne accès (souvent) au cartilage de croissance qui se développe naturellement autour du bassin (crête iliaque). Ce cartilage de croissance permet d'évaluer la maturation osseuse : c'est ce qu'on appelle le test de Risser :
Appréciation de la maturation osseuse (c'est-à-dire
du reste à grandir) selon le test de Risser. |
Comment établir le pronostic évolutif d'une scoliose au 1er examen clinique et radiographique ?
Le pronostic évolutif d'une scoliose est variable selon différents paramètres :
Le type de courbure
L’angle de la scoliose et l’importance de la rotation
L’âge de découverte de la scoliose
Le couloir de croissance de l’enfant (maturation sexuelle et osseuse)
L’existence d’un dos plat à l'examen clinique
Pronostic en fonction du type de courbure
Les courbures thoraciques courtes ont un potentiel d'aggravation redoutable, d'autant plus important s'il y a un déséquilibre clinique des épaules ou du bassin, un dos creux, et une importante gibbosité.
Il est difficile de chiffrer précisément les risques évolutifs, mais à la lecture de quelques publications on peut évaluer :
Scolioses thoraciques : risque d’aggravation de 77%
Scolioses thoraco-lombaires : risque d’aggravation de 67%
Scolioses lombaires : risque d’aggravation de 30%
Scolioses doubles majeures : risque d’aggravation de 66%
Pronostic en fonction de l'angle de la scoliose (angle de Cobb)
On situe la limite d’évolutivité
à 30°.
Ainsi, 40% des scolioses de moins de 20° évoluent défavorablement
; alors que 75% des scolioses entre 20° et 29° évoluent
défavorablement.
On sait également que 60% des scolioses de moins de 30° découvertes avant la puberté risquent de s’aggraver.
Pronostic en fonction du couloir de croissance
Apprécier le couloir de croissance des enfants est difficile car ceci fait appel à plusieurs paramètres dont : le morphotype et la taille des parents et de la fratrie, la courbe de croissance, les signes pubertaires, l'âge osseux.
De plus le degré de maturation pubertaire et l'âge osseux ne sont pas toujours en phase !
Appréciation du stade pubertaire et de l'âge osseux :
Rapport entre la puberté et l'âge osseux : l'apparition des premiers poils pubiens (phase P2 de la puberté) correspond à l'accélération de la croissance pubertaire, vers 11 ans d'âge osseux chez la fille et 13 ans d'âge osseux chez le garçon. |
Appréciation de la maturation osseuse d'après le test de Risser :
Le cartilage de croissance du rebord du bassin (crête iliaque) se développe de l'extérieur vers l'intérieur avant de se souder au bassin lorsque la croissance est terminée. Il peut donc servir à évaluer le reste à grandir sur la colonne vertébrale.
Développement du cartilage de croissance de la crête iliaque permettant de déninir les stades de Risser. |
Rapports entre le test de Risser, la puberté et la croissance
de la colonne vertébrale : chez le garçon |
Rapports entre le test de Risser, la puberté et la croissance
de la colonne vertébrale : chez la fille. Les premières règles apparaissent entre Risser 1 et 2. |
Evolutivité des scolioses slon la loi de Mme DUVAL-BEAUPERE :
Les scolioses évoluent en général en 3 phases :
Une phase d'aggravation lente :
qui précède le début de la puberté.
Une phase d'aggravation rapide :
qui commence avec le débuu de la puberté (apparition des premiers poils pubiens), dure environ 2 ans, et se termine vers Risser 4/5.
Une phase de stabilisation :
qui fait suite à la maturation osseuse et dure toute la vie adulte.
Loi de Mme DUVAL-BEAUPERE. |
Cas particulier des scolioses du nourrisson (3 à 6 mois)
Ces scolioses qui sont souvent découvertes par les mamans ont un potentiel d'évolution favorable et peuvent régresser spontanément avec le temps.
Bien entendu, elles doivent être surveillées régulièrement.
Scoliose du nourrisson (3 à 6 mois) bien visible sur ce bébé couché sur le ventre. |
Cas particulier des scolioses infantiles (entre 6 mois et 3 ans)
Elles sont graves, difficiles à traiter, et ont un potentiel d'aggravation important.
Scoliose du infantile importante. |
Risque évolutif des scolioses après maturation osseuse (à l'âge adulte)
Courbures thoraciques
Les courbures thoraciques de moins de 30° s’aggravent de 3° environ sur 40 ans.
Les courbures thoraciques de plus de 30° s’aggravent de 1° par an.
Courbures thoraco-lombaires
Les courbures thoraco-lombaires de moins de 30° peuvent s’aggraver (14° sur 40 ans).
Les courbures thoraco-lombaires de plus de 30° peuvent s’aggraver (19° sur 40 ans) et gardent un aspect inesthétique (saillie de la gibbosité).
Courbures doubles majeures (combinées : thoracique dans un sens et lombaire dans l'autre sens)
Les courbures doubles majeures (combinées) de moins de 30° s’aggravent faibelemnt (3° sur 40 ans).
Les courbures doubles majeures (combinées) de plus de 50° s’aggravent mais gardent un préjudice esthétique faible.
Courbures lombaires
Les courbures lombaires de moins de 30° ont risque d’aggravation faible.
Les courbures lombaires de plus de 30° ont risque
d’aggravation important (17° sur 40 ans), surtout pour les
formes droites.
Quels sont les problèmes posés par une scoliose à l'âge adulte ?
Traiter une scoliose pendant l'enfance ou l'adolescence, c'est avant tout essayer d'éviter les problèmes à lâge adulte.
Par ordre de gravité croissante, les scolioses importantes à l'âge adulte peuvent avoir comme conséquence :
un aspect inesthétique
un déséquilibre
des épaules
des douleurs
(cervicalgies, lombalgies, lombo-sacralgies, sciatiques)
une insuffisance respiratoire par trouble de la mécanique thoracique
exceptionnellement
des complications médullaires par compression neurologique