GENERALITES SUR LA CROISSANCE
Comment définir la croissance ?
En biologie, la croissance d'un organisme est une
augmentation de la taille, et du volume.
Ainsi, la croissance est un ensemble de modifications physiques qui
peuvent être mesurées et qui se déroulent de façon
constante et ordonnée ; une prolifération et une multiplication
rapide d'êtres vivants, de choses.
« Analyser la croissance, ce n’est pas se crisper sur des chiffres ; c’est apprendre à évaluer les effets du temps, c’est savoir que les grands retards peuvent se rattraper et que les avances staturales peuvent conduire à des nanismes. »
A chaque consultation de chirurgie pédiatrique,
il faut situer l’enfant sur sa courbe de croissance, évaluer
le temps parcouru et le temps qui reste à parcourir.
Cette évolution permanente nécessite des repères
cliniques (taille debout, taille assise, segment inférieur, poids,
périmètre crânien, maturation neurologique et sexuelle),
théoriques (chiffres à connaître, courbes de références),
radiologiques (âge osseux).
Pour appréhender l’importance du problème, il faut se rappeler qu’entre la naissance (taille de 50 cms pour un poids de 3 à 3,5 kgs) et l’âge adulte, un enfant aura un gain en taille de 1,20 m, verra son poids multiplié par 20, tandis que la taille des fémurs et des tibias sera triplée et que la longueur du rachis sera doublée.
Mais les chiffres à l’état brut n’ont qu’une valeur relative : c’est plus la vitesse de croissance et la croissance relative des différents segments qui doivent être appréciées.
Les étapes de la croissance
La croissance intra-utérine
C’est une croissance exponentielle.
En trois mois, l'embryon
s’est transformé en foetus
et tous les appareils sont en place, formant un adulte en proportion
réduite.
La croissance se fait surtout en taille pendant les 6 premiers mois
de la vie intra-utérine : à 6 mois, le fœtus mesure
30 centimètres (70 % de sa taille finale) pour 800 grammes (20
% de son poids final).
La croissance se fait surtout en poids pendant les 3 derniers mois de
grossesse.
Croissance en taille du foetus et du nouveau-né en fonction du temps. |
La croissance pendant la 1ère année
La vitesse de croissance est très forte : en
1 an, la taille du nourrisson augmente de 25 cm, soit autant que pendant
la poussée pubertaire. Parallèlement, son poids est multiplié
par 3 et le périmètre crânien augmente de 12 cm.
Puis la croissance se ralentit tout en restant forte.
Croissance pendant la 1ère année : |
La croissance entre la 2ème et la 5ème année
La vitesse de croissance est forte : la taille augmente
de 10 cm entre 1 et 2 ans, et de 7 cm entre 3 et 4 ans.
Ainsi, en 5 ans, l’enfant aura grandi de 55 cm pour atteindre
62 % de sa taille définitive !
Pendant cette période, taille assise et segment inférieur
ont une croissance à peu près superposable.
A 5 ans, il reste environ 30 cm à parcourir sur la taille assise,
35 cm sur les membres inférieurs.
La croissance est aussi pondérale (le poids de naissance a quadruplé
en 3 ans), thoracique (le périmètre thoracique augmente
de 25 cm en 5 ans) et neurologique.
Croissance pendant la 2ème et la 5ème année
: * Pourcentage de la taille adulte |
La croissance entre la 5ème et la 10ème année
La croissance se ralentit franchement et progresse
au rythme de 6 cm par an, répartis sur la taille assise (2 cm
par an) et le segment inférieur (4 cm par an). Le tronc grandit
donc moins vite et les membres inférieurs rattrapent leur retard.
La vitesse de croissance est à peu près identique pour
les filles et les garçons.
La croissance après la 10ème année
C’est le virage pubertaire (11 à 13 ans chez la fille, 13 à 15 ans chez le garçon) qui se traduit par :
Une brutale accélération de la vitesse de croissance staturale
Le développement
des caractères sexuels
Une maturation
morphologique
Mais 2/3 de la croissance vont s’effectuer sur la taille assise
et 1/3 sur le segment inférieur, inversant ainsi les proportions
de croissance lente des 5 années précédentes.
A 10 ans il reste 38 cm à parcourir sur la taille debout, dont
20 cm sur la taille assise et 18 cm sur le segment inférieur.
A partir de 13 ans d’âge osseux chez la fille et de 15 ans
d’âge osseux chez le garçon, la croissance des membres
inférieurs s’effondre, et la fin de croissance ne se fait
que sur la taille assise (le rachis).
Il est donc nécessaire de repérer le début de la
puberté (stades de Tanner, date des premières règles),
d’évaluer la maturation osseuse (test de Risser, âge
osseux selon Sempé), pour pouvoir estimer ce qui reste à
parcourir.
Car pendant cette phase, il faudra réfléchir
à tous les problèmes en terme d’âge osseux
et non d’âge chronologique.
ÉVALUATION DE L’ÂGE OSSEUX & AUTRES CRITÈRES DE MATURATION
Evaluer la maturation c’est évaluer la croissance résiduelle.
L’âge osseux
est un indicateur de cette maturation. Sa
détermination peut se faire par plusieurs méthodes qui
chacune ont leurs limites et leurs inconvénients. Toutes les
méthodes radiographiques font appel à une évaluation
qualitative ou quantitative des noyaux d’ossification des os.
Il faut connaître l’existence des méthodes les plus
utilisées détaillées plus loin :
Méthode
morphologique de Greulich et Pyle (1959)
Test de Risser
Méthode
de Sauvegrain et Nahum
Méthode morphologique de Greulich et Pyle (1959)
Elle compare les radiographies du patient (main et poignet gauches) à des radiographies de référence groupées dans un Atlas établi par Greulich et Pyle en 1959, chez des enfants américains de race blanche, en bonne santé, de Cleveland (Ohio,U.S.A.), dont les ancêtres étaient originaires d’Europe du Nord, de niveau d’éducation et de rang social au-dessus de la moyenne.
L’âge osseux est apprécié par le degré
de maturation des points épiphysaires des phalanges, des métacarpiens
et des os du carpe.
Evaluation de la maturation osseuse selon la technique de Greulich
et Pyle |
Test de Risser
Gradient d’ossification qui se déroule
autour de la crête iliaque à partir de 13 ans d’âge
osseux pour les filles, et 15 ans d’âge osseux pour les
garçons.
Il s’inscrit sur le versant descendant du pic de croissance pubertaire,
quelques mois après l’apparition des premières règles.
A Risser 5, la maturation est complète.
Evaluation de la maturation osseuse selon la technique de Risser |
Méthode de Sauvegrain et Nahum
D’après une radiographie du coude, on
attribue une cote à chaque noyau épiphysaire ; toutes
ces cotes sont additionnées et la somme reportée sur l’ordonnée
: selon le sexe, on en déduit l’âge osseux sur l’abscisse.
Cette méthode n’est applicable qu’au delà
de 10 à 11 ans.
Elle peut être précieuse car c’est à ce moment
de la croissance que l’âge osseux calculé selon Greulich
et Pyle est le plus imprécis.
Evaluation de la maturation osseuse selon la technique de Sauvegrain
et Nahum |
CROISSANCE ET PUBERTÉ
La puberté est caractérisée par une accélération de la vitesse de croissance (qui passe de 0,5 cm par mois à 1 cm par mois).
Elle apparaît vers 11 ans d’âge osseux
chez la fille et 13 ans d’âge osseux chez le garçon
(décalage temporel de 2 ans entre les deux sexes).
Ce pic pubertaire se décompose en une phase ascendante de croissance
rapide de 2 ans, et une phase descendante de croissance lente de plus
de 3 ans.
La poussée de croissance pubertaire est la résultante de 3 pics de croissance : celui des membres inférieurs, puis celui du tronc, enfin celui du thorax. Pour s’en souvenir, se dire que « on change de chaussures, puis on change de pantalon, et enfin on change de chemise ».
Décomposition du pic de croissance pubertaire |
Les différents stades cliniques de la puberté selon Tanner
La limite inférieure de la puberté normale
est de 9 ans chez la fille et de 10 ans chez le garçon (âge
osseux).
On parle d’impubérisme à partir de 11 ans ½
chez la fille et de 13 ans ½ chez le garçon (âge
osseux).
Le début de la puberté se manifeste par l’apparition
des premiers poils pubiens et par le gonflement du mamelon. Les premières
règles (ménarches) apparaissent alentours de Risser 1
et caractérisent la phase descendante du pic de croissance pubertaire.
Stades pubertaires selon Tanner |
Croissance résiduelle à la puberté chez le garçon
Quand commence la puberté, il reste environ 20 cm à courir sur la taille debout.
En réalité, quand la puberté commence à 13 ans d’âge osseux, il reste 13 % à courir sur la taille debout.
Sur la taille assise, il reste 8 cm entre 13 et 15 ans d’âge osseux (fermeture du coude), et 4 cm après la fermeture du coude.
Sur les membres inférieurs, il reste 7 cm entre
13 et 15 ans, et 1,5 cm entre 15 et 17 ans.
Croissance résiduelle à la puberté chez le
garçon |
Croissance résiduelle à la puberté chez la fille
Quand commence la puberté, il reste environ 18 cm à courir sur la taille debout. En réalité, quand la puberté commence à 11 ans d’âge osseux, il reste 11 % à courir sur la taille debout. Sur la taille assise, il reste 7 cm sur le versant ascendant (11-13 ans) et 4 cm sur le versant descendant (13-15 ans). Sur les membres inférieurs, il reste 6 cm sur le versant ascendant et 1,5 cm sur le versant descendant.
Croissance résiduelle à la puberté chez la
fille |
CROISSANCE DU MEMBRE SUPÉRIEUR
Le cartilage de croissance (ou cartilage conjugal,
plaque de conjugaison, plaque de croissance, ou physe) est responsable
de la croissance en longueur des os.
Il s’agit d’une structure anatomique richement vascularisée
qui assure la fixation de l’épiphyse (ou de l’apophyse)
sur la diaphyse grâce à une formation solide : la virole
périchondrale.
Le cartilage de croissance disparaît à maturation osseuse.
Le périoste est responsable de la croissance en épaisseur
des os. C’est par l’intermédiaire du périoste
que les muscles vont se fixer sur la diaphyse, vont y appliquer leur
force et permettre ainsi la morphogenèse des pièces osseuses
en croissance, tout en y amenant également une vascularisation
corticale d’une richesse exceptionnelle, responsable de l’épaississement
transversal de cet os, à condition que la vascularisation soit
respectée et que l’environnement neuro-musculaire soit
normal.
Schéma du cartilage de croissance d'une épiphyse
(extrémité d'un os). |
A la naissance, le membre supérieur mesure environ 20 cm : l’humérus
environ 7,5 cm ; le cubitus, 6,5 cm ; et la main 6 cm.
Le membre supérieur grandit de 10 cm la première année,
de 6 cm la deuxième année, d’environ 5 cm la troisième
année, de 3,5 cm la quatrième année.
La croissance du membre supérieur est essentiellement proximale
et distale (se souvenir que les cartilages de croissance les plus actifs
sont « loin du coude et près du genou ») : le
coude participe donc très faiblement à
la croissance du membre supérieur.
A partir de l’âge de 5ans, la vitesse de croissance du membre
supérieur diminue à 3 cm par an. A cet âge, la longueur
des os correspond à la moitié de leur longueur définitive.
De plus, à l’âge de 5 ans, les proportions sont établies
entre les différents os du membre supérieur et du membre
inférieur : ainsi le cubitus représente 8/10e de la longueur
de l’humérus ; l’humérus représente
70 % de la longueur du fémur.
Ces index sont précieux à connaître pour la prise
en charge des chondrodystrophies (nanismes rhizoméliques et mésoméliques).
Pourcentages de croissance assurés par les différents
cartilages du membre supérieur. |
CROISSANCE DU MEMBRE INFÉRIEUR
10 cartilages de croissance participent à la croissance du membre
inférieur (6 pour le fémur et 4 pour le tibia).
A la naissance, le segment inférieur mesure environ 20 cm : le
fémur 9 cm, le tibia 7 cm et le pied 4 cm.
En fin de croissance, le segment inférieur mesure 80 cm.
La croissance du membre inférieur est essentiellement
centrale ( « loin du coude et près du genou »).
Pourcentages de croissance assurés par les différents
cartilages du membre inférieur. |
Le fémur
La croissance du fémur est forte pendant les 5 premières années de vie ; ainsi à l’âge de 5 ans le fémur mesure 60 % de sa taille finale.
A partir de 5 ans la croissance fémorale se ralentit à
2 cm/an et reste uniforme jusqu’à la puberté.
En fin de croissance, la longueur du fémur est de 45 cm (elle
a été multipliée par 5).
Le tibia
La croissance du tibia est inférieure à celle du fémur,
même si son profil de croissance est calqué sur celui du
fémur : forte croissance pendant les 5 premières années
de vie, puis net ralentissement à partir de 5 ans. A cet âge,
le tibia grandit de 1,75 cm/an.
En fin de croissance, la longueur du tibia est de 35 cm (elle a été
pratiquement multipliée par 5).
Le genou
Le genou détient 65 % de la croissance du membre inférieur,
c’est à dire environ 35 cm, dont 20 cm pour le fémur
et 15 cm pour le tibia.
Tout traumatisme grave du genou pendant les premières années
de vie est susceptible d’entraîner un raccourcissement sévère
du membre inférieur.
Pourcentages de croissance assurés par les différents
cartilages du genou. |
Chez le garçon, le fémur grandit en moyenne de 35 cm : 10 cm sur l’extrémité supérieure, 25 cm sur l’extrémité inférieure.
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Chez le garçon, le tibia grandit en moyenne de 27 cm : 16 cm sur l’extrémité supérieure, 11 cm sur l’extrémité inférieure.
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CROISSANCE DU RACHIS
Généralités
Chaque vertèbre compte 3 ou 4 cartilage de croissance.
La croissance du rachis est donc assurée par une centaine de
cartilage de croissance.
La croissance rachidienne est distincte pour l’arc postérieur
et l’arc antérieur dont la fermeture est en particulier
liée à la présence de la tige neurale et pour le
corps vertébral qui se comporte comme un os long.
La croissance du corps vertébral est en tous points comparable
à celle d’une diaphyse : le corps vertébral est
caractérisé par deux cartilages de croissance , un supérieur
et un inférieur, qui travaillent l’un vers l’autre
et ossifient progressivement la partie centrale.
A l’âge de 10 ans apparaît à la partie supérieure et inférieure un listel qui galonne la vertèbre, s’ossifie d’avant en arrière et se fusionne au corps vertébral vers l’âge de 18 ans.
Notion de croissance différentielle
A la naissance les vertèbres ont peu de différences morphologiques
; l’individualisation entre vertèbres dorsales et lombaires
apparaît progressivement.
Les vertèbres lombo-sacrées ont une croissance plus importante
et plus rapide que les vertèbres thoraciques.
La vitesse de croissance n’est pas la même en avant et en
arrière des vertèbres : dans la région thoracique,
les éléments postérieurs grandissent plus vite
que les éléments antérieurs ; dans la région
lombaire, c’est l’inverse.
La vertèbre évolue , modifie des orientations, et au fur
et à mesure de la croissance, les apophyses articulaires changent
de morphologie et de direction.
Mesure de la taille assise
La taille assise reflète indirectement la croissance du rachis. Cette mesure, insuffisamment pratiquée, est essentielle dans la surveillance des scolioses. Ainsi un gain en taille assise associé à une angulation stable traduit l’efficacité du traitement.
Croissance du rachis avant la puberté
La croissance du rachis est forte pendant les 5 premières années
de vie, de l’ordre de 30 cm. A l’âge de 5 ans, il
reste encore 30 cm de croissance sur le rachis, dont 15 cm sur le segment
T1 L1.
Mais près de 70 % de la croissance rachidienne a été
effectuée entre 0 et 5 ans. A titre de comparaison, à
5 ans le volume thoracique ne représente que 30 % de sa valeur
adulte, et le poids que 26 %.
Croissance du rachis et puberté
En général les caractères sexuels secondaires, qui marquent le démarrage pubertaire, évoluent de façon harmonieuse avec l’âge osseux.
Dans 10 % des cas il peut y avoir des discordances.
La date d’apparition des premières règles se situe
en général sur le versant descendant du pic pubertaire
à 13 ans et 2 mois d’âge osseux, au moment de la
fusion des phalanges distales. Dans la majorité des cas, les
règles surviennent aux alentours de 82 cm de taille assise et
à Risser 1.
Chez la fille, la puberté
démarre à 75 cm de taille assise dans 80 % des cas.
Le pic pubertaire sur le tronc fait qu’il reste à
courir entre 10,5 et 11,5 cm sur la taille assise.
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Chez le garçon, la puberté
démarre à environ 78 cm de taille assise. Le pic
pubertaire sur le tronc fait qu’il reste entre 11 et 12
cm à courir sur la taille assise. Les 8 premiers cm sont
décisifs et obtenus rapidement en 15 mois. Les 4 derniers
cm sont atteints en 3 ans. |
Croissance du rachis et risque scoliotique
En confrontant les points de repères cliniques et radiologiques,
on peut reconstituer un profil pubertaire et définir un risque
scoliotique.
Par exemple, une scoliose de 30° (angle de Cobb) à 11 ans
a un risque d’aggravation de sa scoliose de 90 %. Par contre,
une scoliose de 30° à l’âge de 14 ans voit son
risque d’aggravation chuter à 30 %.
Toute courbure qui prend 1° par mois d’âge osseux sur
le versant ascendant du pic pubertaire est une courbure potentiellement
chirurgicale.