LA MARCHE EN ROTATION INTERNE appelée MARCHE "PIEDS EN DEDANS"
Il s'agit d'un motif de consultation très fréquent en orthopédie pédiatrique, source d'inquiétude parentale, familliale (grands-parents : "tu ne vas pas laisser ta fille marcher comme cela..."), scolaire ("votre enfant ne marche pas comme les autres", ou "votre enfant tombe trop souvent...").
Très habituellement, beaucoup d'avis ont déjà été
donnés avant la consultation spécialisée, et parfois
même certains traitements ont été essayés
(comme les semelles orthopédiques).
Ce qu'il faut savoir sur la croissance en rotation
La croissance du fémur et du tibia se fait en 3 dimensions : croissance en longueur grace aux cartilages de croissance, croissance en épiasseur grace au périoste, et croissance en rotation.
La position dans l'espace du col du fémur oriente en rotation
la totalité du membre inférieur : ainsi, plus le col du
fémur est dirigie vers l'avant, plus le membre inférieur
est tourné en dedans (par membre inférieur, on entend
le fémur situé sous le col, le genou, ja jambe et bien
entendu le pied).
Cette croissance suit un calendrier moyen prédéterminé
: chaque enfant peut être bien en phase avec le calendrier théorique,
en avance ou en retard (comme pour la taille).
L'évolution moyenne de l'antétorsion fémorale et
de la torsion tibiale externe se fait selon le schéma ci-dessous
:
Explication de l'évolution de l'architecture osseuse
en grandissant : |
On voit donc que les enfant ne choisissent pas la façon dont ils tournent les pieds en marchant mais que ceci leur est IMPOSE par la torsion NATURELLE de leur squelette (fémur et tibia), et que l'aspect change tout au long de la croissance.
Comment examiner une marche "pieds en dedans" ?
Le plus important est de regarder marcher les enfants,
d'examiner le positionnement des articulations dans l'espace.
Ensuite, il faudra évaluer les mobilités articulaires,
l'anatomie osseuse, rechercher d'éventuelles douleurs (qui en
principe sont absentes en cas de marche en rotation interne banale),
faire un examen neurologique.
Regarder marcher les enfants :
L'inspection de la qualité de la marche permet de repérer comment les pieds, et les genoux sont tournés dans l'espace :
Les pieds de cet enfant sont dirigés vers l'intérieur par rapport au sens de la marche : on dit que l'angle du pas est négatif. C'est ce qui caractérise la marche en rotation interne. |
Les genoux restent de face lors de la marche (rotule de face) |
Examiner le positionnement des articulations dans l'espace
En position couchée, il faut déterminer l'orientation du squellette (os et articulations) dans l'espace.
La palpation des genoux et des chevilles permet d'évaluer le degré de rotation du tibia vers l'extérieur (notion de torsion tibiale externe). |
Appréciation de la rotation interne du pied |
Appréciation de l'angle formé entre la cuisse et
le pied en position allongée sur le ventte (decubitus ventral). |
Appréciation de la position assise : ici, les pieds sont
placés sous les fesses (ce qui traduit une faible torsion
du tibia vers l'extérieur). |
Appréciation de la position dans l'espace du col du fémur
par la méthode de Netter |
Réaliser un examen neurologique
Un examen neurologique minimum (réflexes ostéotendineux,
réflexes cutanésabdominaux et plantaires), force musculaire,
équilibre, fait partie de l'examen de base de l'enfant qui marche
en rotation interne.
Quelles sont les principales causes de la marche en rotation interne ?
Il y en a trois :
L'antétorsion fémorale importante
Le défaut de torsion tibiale externe
Le métatarsus adductus
L'antétorsion fémorale importante
Dans ce cas précis, la coissance naturelle
en rotation des fémurs n'est pas dans la moyenne des enfants
: l'antétorsion fémorale est donc plus importante que
ne le voudrait l'âge.
L'examen clinique peut à lui seul confirmer le diagnostic :
en effet, la marche se fait non seulement avec des pieds en rotation interne mais aussi avec des genoux en rotation interne (notion de strabisme rotulien convergent),
les enfants sont capables de s'assoir en W, c'est-à-dire les fesses entre les genoux (que les anglo-saxons appellent la "TV position"),
l'examen en position couchée montre une augmentation du secteur de rotation interne de hanche (souvent confondue avec de la souplesse) et la méthode de Netter permet de quantifier le degré d'antétorsion du col du fémur.
Marche en rotation interne des pieds...et des genoux
: |
Fausse impression de souplesse : enfant assis les fesses entre les pieds, car son secteur de rotation interne de l'articulation de hanche est augmenté par son antétorsion fémorale importante. |
Fausse impression de souplesse : enfant couché sur le ventre, l'amplitude articulaire de hanche en rotation interne est importante, augmentée par son antétorsion fémorale. |
Mesure clinique de l'angle d'antétorsion fémorale
par la méthode de Netter. |
Le défaut de torsion tibiale externe
La marche se fait également en rotation interne, mais l'examen clinique montre que :
les rotules restent d eface lors de la marche alors que les pieds sont en rotation vers l'intérieur
les enfant on tendance à s'assoir les pieds sous les fesses
la torsion externe du tibia est faible voire nulle
Marche en rotation interne des pieds...mais pas des
genoux : |
Attitude caractéristique du défaut de torsion externe
du tibia : enfant assis les pieds sous les fesses. |
Evaluation de la torsion tibiale externe par examen clinique :
Recherche de la position d'horizontalité des rotule et de la position de l'axe bi-malléolaire de cheville. |
Evaluation de la torsion tibiale externe par coupes de scanner
: Cette imagerie, qui n'est pas obligatoire, montre que l'axe de la cheville n'est que faiblement tourné à l'extérieur par rapport à l'axe du genou. |
Le métatarsus adductus
Il s'agit d'une malposition congénitale du ou des pied(s), qui peut laisser une séquelle esthétique à type de désaxation : l'avant du pied est alors tourné en dedans par rapport à l'arrière du pied.
Ce chapitre est abordé sur ce site : Voir la page sur le métatarsus adductus.
Marche en rotation interne des pieds en rapport véritablement
avec un "pied qui tourne" : |
Quels sont les traitements de la marche en rotation interne ?
Si la marche en rotation interne est liée à une antétorsion fémorale importante ou à une torsion tibiale externe faible (ou les deux en même temps), il n'y a pas de traitement orthopédique : la kinésithérapie, les médicaments (dont les hormones), le sport, les attelles et les appareillages, les chaussures orthopédiques, les semelles, les manipulations n'ont aucune efficacité.
En effet, pour changer la qualité de la marche, il faut changer l'orientation du squelette dans l'espace, et ceci n'est possible que par l'intermédiaire de la croissance naturelle ou de la chirurgie.
Dans l'immense majorité des cas, la croissance naturelle permet de rectifier l'axe du pied pendant la marche.
Dans le cas contraire, c'est-à-dire dans le cas où la marche en rotation interne persiste après la fin de la croissance, le seul traitement possible est la chirurgie.
Un bilan scannographique est alors obligatoire pour déterminer précisément où se fait le défaut rotationnel (fémur ou tibia, ou les deux).
La chirurgie consiste à couper horizontalement l'os responsable du défaut (ostéotomie), à tourner la partie osseuse sous la zone de section (ostéotomie de dérotation externe), et ensuite à stabiliser l'os dans cette nouvelle position (ostéosynthèse) : c'est donc une chirurgie lourde, d'autant plus qu'elle est presque toujours bilatérale (droite et gauche, dans la même intervention ou en deux interventions différentes).
Il faut donc particulièrement réfléchir avant de prendre une décision chirurgicale, car la tolérance fonctionnelle de la marche en rotation interne est excellente : les adolescents concernés ne ressentent AUCUNE douleur ni gêne, mais sont complexés par le regard des autres sur leur marche.
Si la marche en rotation interne est liée à un métatarsus adductus, le traitement le plus efficace consiste à réaliser une correction plâtrée par bottes de marche en résine avec effet de correction.
En général, 3 à 4 plâtres de 10 à 14 jours suffisent à redresser l'axe du pied
Dans les suites des plâtres, il est préférable d'utiliser des chaussures orthopédiques anti-adduction, des attelles de posture pour la nuit, et de réaliser une kinésithérapie d'entretien.
En cas d'échec des plâtres correcteurs, on peut discuter d'une chirurgie.